« On peut dire que comme ça, la boucle est bouclée »

Après plus de 15 ans de carrière, mise en pause depuis un terrible accident lors d’une sortie d’équipe en mai dernier, Michaël Perrier a décidé de raccrocher les crampons. A l’entame de sa nouvelle vie, il livre un retour sur sa carrière, les derniers événements et ses ambitions pour la suite.

 

 

– Salut Micha, on a appris que, la semaine dernière, tu as annoncé officiellement à tes coéquipiers la fin de ta carrière de footballeur. Comment tout cela s’est-il déroulé ?

– C’est suite aux consultations avec les médecins que j’ai eu il y a quelques semaines (ndlr : 6 mois après l’accident). Un cardiologue du sport m’a parlé d’une « cicatrice » que j’avais. Durant ces derniers mois, j’étais optimiste malgré mon accident et j’étais motivé pour reprendre le foot. Mais, lorsqu’il m’a parlé de cette cicatrice et du fait qu’il me déconseillait fortement de reprendre le foot et en voyant également les craintes qu’avait ma femme, j’ai réfléchi différemment. Venant d’un cardiologue, le poids de son discours était bien sûr beaucoup plus important que les idées auxquelles je m’étais faites auparavant.

 

– Comment l’as-tu annoncé à tes coéquipiers, avec lesquels tu t’entraînais malgré tout depuis le début de la saison, et comment ont-ils réagit ? On imagine que cela a dû être spéciale et d’une grande émotion pour toi. 

– J’en avais déjà parlé auparavant à Yagan, à qui je voulais le dire en premier, puis je l’ai annoncé aux coéquipiers la semaine dernière (ndlr : lundi 6.11). Je leur ai expliqué les raisons de ma décision. C’est clair que c’était un moment de forte émotion pour moi de le dire devant toute l’équipe mais ce choix était accepté dans ma tête donc je l’ai fait même avec plaisir et les coéquipiers m’ont tous soutenus et m’ont même félicité pour mon parcours. De plus, l’histoire était belle car ce jour-là, l’équipe s’entraînait à Vidy, là où tout avait commencé depuis mon arrivée au SLO, et en me rendant à l’entraînement, j’étais en train de me dire sur la route que parfois le destin est incroyable. Annoncé ça, là où tout avait commencé pour mon aventure au SLO, j’ai trouvé ça magnifique et on peut dire que comme ça « la boucle est bouclée ».

 

– Forcément, il y a eu ce terrible accident en mai dernier et quelques jours plus tard, l’équipe se rendait à Aarau pour la dernière journée de championnat. Personne n’avait la tête à ça, mais plutôt à ton état. Et puis, c’est durant la mi-temps que l’on a appris ton réveil dans les vestiaires, un véritable ouf de soulagement pour tout le monde ! As-tu retrouvé un peu la mémoire de cet épisode et comment te sens-tu aujourd’hui par rapport à ça ?

– Non, je ne me rappelle de rien. J’ai un trou de mémoire qui débute 2 jours avant l’accident et qui continue jusqu’à 2 semaines après mon réveil de coma, donc près de 3 semaines de trou noir. Mais je pense que ça m’a « protégé » car heureusement, psychologiquement je n’ai pas eu de séquelles et je pense que c’est une manière qu’a eu mon cerveau de me protéger. Pour ce qui est de mon réveil durant le match, j’ai juste eu des retours par images et en paroles de ce qui s’était passé. C’était incroyable et très touchant d’apprendre tout ça.

– Revenons désormais sur l’ensemble de ta carrière. Ton expérience en club a été immense, avec plus de 400 matchs disputés. Tu as commencé au Tessin à Lugano, avant de passer à Chiasso pendant 2 saisons, puis à Bellinzone. Tu pars au FC Sion pendant 2 saisons dans ton Valais natal où tu y gagneras la Coupe Suisse face au FC Bâle. Ensuite, c’est au FC Aarau que tu poses tes valises, là où tu auras joué le plus de matchs durant ta carrière (108), avant de rejoindre en janvier 2019 le FC Stade Lausanne Ouchy (69 matchs).

– J’ai commencé avec le FC Lugano où j’ai débuté en M16. Ensuite, je suis passé avec l’équipe première lors de la saison 2004/2005 lorsque le club était en Challenge League. À mes tout débuts, j’ai plus joué en tant qu’ailier voire même latéral. J’y ai joué pendant 5 ans et 2 fois d’affilées, on avait joué les barrages pour monter en Super League. Malheureusement, les 2 fois on avait échoué face à Bellinzone et à cet âge-là, ça a été un sacré coup d’arrêt pour moi dans mes objectifs car mon plus grand rêve c’était d’un jour pouvoir toucher à la Super League.

Ensuite, je suis passé à Chiasso où je dis toujours que c’était les 2 années les « plus belles » de mon parcours. En termes d’ambiance d’équipe c’était incroyable et pour ma croissance en tant que footballeur, mon passage là-bas a été très important. J’ai intégré une équipe où tout le monde me considérait comme quelqu’un d’important. En plus de ça, c’est là que je suis réellement passé en milieu et l’entraîneur était Raimondo Ponte à qui je dois énormément et que je considère un peu comme mon 2ème papa. Depuis là, c’est comme si j’avais eu un déclic. À un moment donné, j’ai senti qu’il fallait pour moi tenter une nouvelle expérience afin de me professionnaliser un peu plus parce que sinon je sentais que je pouvais stagner mais ces 2 ans à Chiasso ont vraiment été décisives pour moi et mon parcours.

Du coup, je suis passé après à Bellinzone où sur le papier j’ai eu la chance d’évoluer avec des joueurs qui étaient d’un niveau incroyable par rapport à la Challenge League. J’ai joué avec des Hakan Yakin, Antonio Marchesano, Markus Neumayr et pleins d’autres. On était arrivé 2ème, j’avais pas mal joué mais le club a fait faillite.

J’ai été donc sans club pendant 2 mois après la faillite et c’était frustrant pour moi car je sortais d’une bonne saison avec Bellinzone, dans une équipe qui gagnait et qui avait terminé 2ème, du coup je commençais à désespérer. Tout d’un coup, mon agent avait rencontré le FC Sion et finalement, ça s’était fait assez rapidement au point que je n’en revenais pas ! C’était une période où le club n’allait pas bien et était dernier du championnat et les supporters réclamaient plus de joueurs valaisans et ça a été pour moi une superbe opportunité. Mon rêve c’était de pouvoir un jour atteindre la Super League et j’y suis parvenu ! Cette expérience aura bien sûr été le pic dans ma carrière avec en plus la victoire en Coupe Suisse face au FC Bâle et je ne remercierais jamais assez Monsieur Constantin pour la chance qu’il m’a donnée.

Au FC Aarau, c’était la première fois où j’étais réellement loin de la maison. J’ai dû serrer les dents et me battre pour ma place. C’est une expérience qui m’a renforcé en tant qu’homme et en tant que footballeur. C’est là que je suis devenu plus mature dans mon jeu, dans mes déplacements, dans l’engagement etc.

Et pour finir au Stade Lausanne Ouchy. Pour moi, c’est l’endroit avec Chiasso où je me suis senti le plus apprécié en tant que footballeur et en tant que personne. Forcément avec ce qui s’est passé les derniers mois mais déjà avant. Quand j’ai rejoint le club, c’est vrai que j’avais dans l’idée de me rapprocher un peu plus de la famille et de trouver une solution proche de l’école que j’ai commencé et pour finir ça s’est conclu avec une aventure qui a dépassé toutes les attentes que j’avais. Et ça m’a même permis de rêver à nouveau. Je me disais : « je suis en fin de parcours, je vais gentiment finir » et avec les coachs que j’ai eu ainsi que mon changement en tant que latéral peut-être, ça m’a fait comprendre que j’avais encore de la marge de progression à ce poste. La saison dernière quand on était en haut du classement, je rêvais de pouvoir pourquoi pas finir ma carrière sur une promotion en Super League. Et ça faisait bien longtemps que je n’avais pas rêvé à nouveau comme cela. J’aimerais également à nouveau remercier tout le club ainsi que la direction qui a tout de suite cru en moi et qui m’a énormément soutenu et surtout depuis l’accident.

 

 

 

– Aurais-tu une petite anecdote à nous raconter durant ta carrière dont tu te rappelleras toujours ?

– Alors ça serait plus un message à faire passer aux jeunes joueurs mais c’est quelque chose qui m’est arrivé et qui m’a beaucoup aidé par la suite… J’étais à Lugano. Quand tu es jeune, tu as envie d’être titulaire et de jouer des matchs. Et pour moi c’était compliqué à cette période-là. Donc après tu es fâché et tu tires la tête. À l’époque, on avait Mauro Bressan (ex-Fiorentina) qui avait pas mal joué en Serie A et qui avait marqué une bicyclette incroyable contre le FC Barcelone en Ligue des Champions. Et un jour où je boudais un peu, il vient me voir et me dit : « Ecoute Perrier, tu dois savoir une chose : l’entraîneur il a toujours raison. Même si tu n’es pas d’accord avec ses choix, il a toujours raison, alors toi ce que tu dois faire c’est accepter et t’adapter ». Et ça, c’est vraiment quelque chose qui m’a touché car même maintenant 13 ans plus tard, je m’en rappelle toujours et ça m’a marqué. Je ne sais pas si ça a été un petit déclic dans mon parcours car j’ai toujours été un travailleur mais c’est vrai que c’est une phrase que je retiens encore et je trouve que c’est vraiment un beau message à faire passer aux jeunes et en tout cas sur moi, ça a fait effet.

– Et quel restera le plus beau souvenir de ta longue carrière ?

– Ah il n’y a pas de doute, c’est la victoire en Coupe Suisse avec le FC Sion ! Et ensuite il y a la promotion en Challenge League avec le SLO, c’est la 1ère fois que je réalisais une promotion dans ma carrière.

– Avec le SLO, tu es arrivé comme un joueur d’expérience il y a bientôt 3 ans lorsque le club était en Promotion League, avant d’être promu pour la première fois de son histoire en Challenge League. Quel souvenir gardes-tu de cette ascension ?

– Alors quand je suis arrivé, c’était assez clair, que ce soit pour moi ou pour le coach. Je lui avais tout de suite dit qu’en rejoignant l’équipe en mi-saison, ils étaient déjà en tête du championnat avec 11 points d’avance sur Yverdon et je ne voulais pas venir déstabiliser l’équilibre du collectif. J’étais vraiment venu là pour aider l’équipe et apporter un peu de concurrence aux entraînements. Ce que je voulais en premier lieu, c’était que l’équipe obtienne cette promotion ! Et une fois que c’est arrivé, les émotions qu’on a vécues c’était juste magnifique.

– Chez les Stadistes, on pourrait t’appeler le couteau suisse, pas vrai ? À la base tu étais plutôt un milieu axial et puis tu as gentiment été converti en arrière gauche, poste auquel tu as excellé ! Comment s’est passé cette transition et comment l’avais-tu pris ?

– Oui tout à fait, avec le temps c’est vrai que je suis devenu polyvalent. Quand j’étais à Lugano, j’avais été latéral pendant 90 minutes lors d’un match de barrage face à Bellinzone et franchement j’avais fait mon match en tant que jeune. Puis par la suite aussi ça m’est arrivé d’être replacé à ce poste à plusieurs reprises donc quand je suis passé en latéral au SLO, ce n’était pas quelque chose qui était nouveau pour moi.

– Désormais, comment vois-tu l’avenir, toi qui as été papa il n’y a pas très longtemps ?

– Je suis actuellement en train de terminer ma formation de physiothérapie et je devrais intégrer le staff des physios du SLO prochainement afin d’y réaliser mon stage. En obtenant ce diplôme, ça me permettra d’avoir aussi une certaine stabilité pour le futur. L’idée avec cette formation de physiothérapie, c’est aussi de garder un pied dans le foot, que ça soit par cette voie là ou pourquoi pas en entraînant une équipe de jeunes pour débuter et voir si ça me plaît. Mais pour ça, on verra plus tard. Pour la vie de papa, la vérité c’est qu’avec l’accident, c’était un peu le « bon côté » car ça permis de passer plus de temps avec ma femme et ma fille ainsi qu’avec ma famille durant ces derniers mois. C’est clair que de ce côté-là je suis un papa comblé.

– Souhaites-tu adresser un dernier message ?

– Tout simplement ce que j’ai déjà dit à l’équipe lorsque je leur ai annoncé ma décision ainsi qu’à Yagan et au staff. Je les remercie du fond du cœur. Quand je dis que j’ai été apprécié et soutenu et jamais autant que ces dernières années mais surtout ces derniers mois, ça m’a énormément touché et j’en suis très reconnaissants à tout le monde ! Surtout à ceux qui ont vécu l’accident et qui ont été malgré cela, d’accord de m’accepter à bras ouverts pour être de retour au stade et sur les terrains ces derniers mois.

Par ta gentillesse, ton sérieux, ta détermination, ton implication et ton leadership, tu auras été un véritable modèle dans le vestiaire et en dehors. Tu vas manquer au club ! Merci pour tout Micha et bonne chance à toi pour la suite !