Le football des juniors au temps du COVID

Cette année 2020 aura réservé son lot de surprises au monde entier et le milieu du ballon rond ne fait pas exception. Autorisée, interdite, ou soumise à des mesures plus ou moins strictes, la pratique du football a été chamboulée. Comment les équipes de jeunes stadistes se sont-elles adaptées à cela ? Explications avec Jonathan Sanches et Alexander De Groot, entraîneurs de l’équipe C II 1er degré du SLO.

«Cette situation nous a bien évidemment pris par surprise» s’accordent Jonathan Sanches et Alexander De Groot. Les deux compères sont des tauliers du SLO et se connaissent parfaitement, ayant grandi tous les deux dans le quartier de la Bourdonnette. De Groot, présent au club depuis 18 ans, y a fait ses premiers pas avec les juniors et aura poursuivi son parcours jusqu’en Promotion League avec la 1ère équipe. Sanches a lui rejoint le SLO à ses 13 ans et aura joué dans le monde des actifs avec la Trois, avant d’arrêter suite à une blessure. Ils vont bientôt fêter leur 4ème année commune en tant qu’entraîneurs et, depuis cet été, ils sont pour la première fois à la tête d’une équipe de foot à 11 après avoir repris cette équipe de C II 1er degré, qui cartonne actuellement.

Bref, notre duo a tout vécu sur les bords du Léman. Mais cette situation, elle, est en effet inédite. ​«Entraîneurs comme joueurs, et même tout domaine confondu, personne ne s’attendait à voir le monde s’arrêter comme ça a été le cas lors du premier confinement» entame Jonathan Sanches. Un premier confinement et un arrêt brutal qu’il a fallu apprendre à gérer. «On a reçu beaucoup d’appels de parents qui nous demandaient quand est-ce que l’on pouvait recommencer, poursuit le coach. ​Et quand tu dois expliquer à des juniors D, qui ont 11 ou 12 ans, qu’ils ne peuvent pas faire du foot, c’est complexe».​ ​«Pour nous, la transition humaine a également été difficile car on a dû quitter de manière très abrupte notre équipe de juniors D, que l’on avait depuis plus de 3 ans et avec laquelle on était très soudés» ​ajoute Alexander De Groot.

Si les coachs ont eu beaucoup de tracas à gérer, comment ont pu s’occuper les jeunes durant cette période difficile ? Pour les aider à garder la forme, les entraîneurs et les responsables techniques du SLO ont pu donner quelques exercices à faire à la maison, allant du renforcement musculaire au programme technique avec ballon. ​«Un programme a été mis en place par Roger Burger, responsable technique des juniors, pour donner des choses à faire à tous les jeunes du club. Mais en deux mois, pris par l’effet de surprise, ça a été difficile pour les entraîneurs de réagir. Au final, le club a bien su prendre la chose en charge pour nous» explique De Groot.

«Nous sommes des privilégiés, et les joueurs se sont bien rendus compte de la chance qu’ils avaient»

Passé la première vague, le semblant de retour à la normale fut un petit soulagement. ​«Lors de notre premier entraînement après avoir eu le feu vert pour recommencer à jouer, la totalité de nos joueurs était là. On sentait qu’ils avaient les fourmis dans les jambes et avaient besoin de se défouler après plusieurs mois éloignés des terrains» raconte Jonathan Sanches. Mais même avec toutes les mesures prises par le monde amateur, la deuxième vague de la pandémie arrivait lentement mais sûrement. Seulement, cette fois-ci, le virus aura au moins eu la bonté d’attendre la fin du premier tour avant d’interrompre les compétitions.

Pour l’équipe de Sanches et De Groot, passé la frustration de ne pas disputer les deux derniers matchs de championnats, est venu le soulagement de pouvoir continuer à s’entraîner. ​«On a accueilli à bras ouverts la décision de l’Etat de Vaud de pouvoir continuer de s’entraîner. Nous sommes des privilégiés par rapport à d’autres cantons, et les joueurs se sont bien rendus compte de la chance qu’ils avaient» a​voue Sanches avec une certaine gratitude.

Une décision qui aura permis d’éviter un nouveau choc psychologique pour beaucoup de jeunes. ​«Vu qu’on peut continuer à s’entraîner, on peut continuer à maintenir nos juniors dans le coup. Ça évite de créer cette grosse rupture qu’on a pu voir lors de la première vague, avec des jeunes largués du jour au lendemain. Car il faut le dire: mentalement, ce printemps été très difficile à vivre pour pas mal de jeunes qui pensent et vivent à 90% pour le foot» raconte Alexander De Groot, qui ajoute tout de même ne pas assister à une période d’interruption des compétitions trop longue. ​«Sans match en vue, c’est plus difficile pour les jeunes de garder la motivation à travailler» ​avertit le technicien.

Mais la détermination et la volonté de ces footballeurs à poursuivre leur passion témoigne de manière très forte de l’importance du football et du sport dans leur quotidien. ​«Si les jeunes ne voulaient pas jouer, on ne serait pas là. Mais notre équipe, comme toutes les autres qu’on voit s’entraîner autour de nous, est au complet, malgré le froid qui arrive. On voit que les juniors veulent continuer» développe Jonathan Sanches. Des propos confirmés par son collègue. ​«Les jeunes ont besoin de ça. Le foot occupe une grande partie de leur vie. Sans ça, et avec le trop-plein d’énergie qu’ils ne peuvent pas dépenser sur un terrain de foot, ils peuvent être déstabilisés, notamment au niveau scolaire. C’est maintenant à nous, monde du football amateur, de jouer le jeu et de respecter les consignes. Car celles-ci sont, à mon avis, bonnes, et elles nous permettent de continuer d’exercer notre passion».​

Des entraînements dans le respect des mesures sanitaires

Pour pouvoir continuer leurs activités, coachs et joueurs n’hésitent donc pas à respecter les mesures sanitaires. Mais, quelles sont-elles ? ​«En premier lieu, l’accès aux vestiaires est fermé. Les joueurs doivent arriver sur le terrain déjà prêts et changés, ​entame Jonathan Sanches. Ils se désinfectent les mains à l’entrée et portent le masque jusqu’à leur arrivée sur le terrain. On garde les distances lors de l’échauffement et on leur dit ensuite de ne pas trop s’enlacer pour fêter un but. Pour le reste, c’est du foot, pas du tennis, alors on ne peut pas faire plus» ​pointe avec justesse le coach.

Le programme reste donc globalement inchangé: jusqu’à Noël, les juniors continueront leurs entraînements en extérieur avec deux séances par semaine: une sur piste, pour la condition physique et la course, et une sur le terrain, pour leur permettre de garder le plaisir du jeu. ​«On veut qu’ils puissent avoir les sensations qu’ils n’ont plus sans les matchs. Ils l’ont bien mérité après tout le travail qu’ils ont fait jusqu’à maintenant» ​explique le duo.

Une équipe qui voit son travail récompensé

Car il faut bien le dire: l’équipe entraînée par Alexander De Groot et Jonathan Sanches fait de superbes résultats. Invaincus et trônant à la première place de leur championnat, les C II 1er degré du SLO ont impressionné leurs coachs dans les aspects défensifs et offensifs, mais aussi dans sa capacité à réagir et à s’adapter. ​«Après le premier match amical qu’on a disputé cet été, une défaite 11-0 face à l’équipe C Promotion de Pully, on s’était dit qu’on allait avoir du pain sur planche. Mais nos jeunes ont su réagir et l’équipe s’est soudée. Une vraie cohésion est née à partir de cette rencontre et elle nous a permis de gagner des matchs au mental» introduit De Groot.

«La plupart des joueurs sont des 2007, qui évoluaient en juniors D la saison passée. Le passage du foot à 9 au foot à 11 est difficile à gérer, avec d’autres dimensions de terrain et d’autres comportements corporels à adopter. Ils ont très bien réussi à s’adapter à ça, bien aidés aussi par quelques 2006 qui avaient déjà une année d’expérience dans cette catégorie. En tant que coachs, c’est aussi notre première saison à entraîner dans cette catégorie, donc on a aussi eu besoin de s’adapter» précise Jonathan Sanches, qui insiste sur le fait que son équipe est en tête de son championnat et est toujours en lice en Coupe vaudoise, soulignant bien les bons résultats que ses jeunes, à force de travail, ont su obtenir.

Les deux entraîneurs se montrent admiratifs devant les efforts fournis par leur jeunes mais soulignent également les défis auxquels ils font face. ​«Nos joueurs sont des pré-adolescents. Ils entament une transformation physique, mais aussi mentale, qu’il faut réussir à gérer» entame Sanches. Son collègue ajoutera: ​«Ils sont également à un âge où ils ont tendance à vite s’enflammer, à penser que chaque match sera le même. C’est aussi à nous de les faire redescendre sur terre dans certaines situations»​. Des tâches nécessaires pour répondre aux objectifs des deux entraîneurs: faire progresser un maximum ces jeunes et permettre au plus grand nombre d’entre eux d’accéder aux juniors C inter.

Une équipe qui donne tout pour s’adapter à sa catégorie de jeu, c’est au final une certaine image de ce monde du football version 2020, où juniors et entraîneurs ont décidé de tirer à la même corde pour pouvoir continuer d’exercer leur passion dans cette situation compliquée.